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2 avril 2009 4 02 /04 /avril /2009 14:43
Un rêve, une vie et des mains brisées par la terrible Securitate de Ceaucescu. Tout cela pour une Mercedes !



Ce soir là, le 7 mai 1986, dans la moiteur d'une nuit sévillane électrique, un homme toucha la grâce du bout de ses imposantes mains gantées. Lors de cette finale européenne de la Coupe d'Europe des clubs champions disputée entre le FC Barcelone et le Steaua Bucarest, Helmut Ducadam, gardien roumain au physique d'ours des Carpates, stoppa les quatre tirs au but catalans à la fin du temps réglementaire (0-0).

Fait unique dans les annales du football. Cet exploit retentissant, et toujours inégalé, permit aux joueurs de Bucarest de monter sur le toit de l'Europe et d'oublier, quelques secondes, la terrible dictature du clan Ceaucescu. Ducadam était devenu un dieu, un héros, un guide. Incompatible avec le culte de la personnalité façonné depuis des années par Ceaucescu et ses fils Valentin et Nicolae.


Ravi que ces maudits catalans aient été ainsi humiliés par des « paysans » venus des hautes plaines de la Transylvanie, le roi Juan Carlos en personne offrit une Mercedes 190 E à Ducadam, laquelle arriva trois mois plus tard à Bucarest. Nicolae Ceaucescu, amateur de belles voitures, s'en empara aussitôt, convoqua le gardien du Steaua et lui dit exactement ceci : « Je prends la Mercedes et je te donne, une petite Renault ». Malgré sa peur et son envie qui le poussaient à accepter la transaction, Helmut Ducadam refusa et argua que l'on ne pouvait pas refuser le cadeau d'un roi. Crime de lèse-majesté. Sa vie venait de basculer. Ses mains, ses doigts et ses poignets furent brisés à coups de crosse par l'impitoyable Securitate. Sa carrière venait de se terminer.



Quelques mois plus tard, avant une demi-finale de Coupe d'Europe des clubs champions opposant à Bucarest, le Steaua au club turc de Galatasaray, je devinais, dans les sombres couloirs du stade, une silhouette massive qui ne m'était pas inconnue. Helmut, le héros de Séville était là.


A l'abri des regards et d'un certain major Popescu qui me suivait pas à pas depuis mon arrivée sur le sol roumain. Je suis discrètement allé le voir, lui ai serré la main, ou ce qu'il en restait. Une masse informe, désarticulée, pendante, sans vie. Soudain, ce grand gaillard se mit à trembler, à animer de tics nerveux sa grande carcasse et à suer abondamment. Le fils Ceaucescu, le deuxième, Valentin, une coupe de champagne à la main, venait de croiser son regard et se hâtait, accompagné par ses gardes du corps bourreaux, en notre direction. Helmut, qui avait courageusement rassemblé ses trois mots d'anglais pour nous parler en nous montrant timidement un pin's de la Fédération française de rugby accroché au revers de son veston poussiéreux, se tétanisa et quitta les lieux, tête basse, dans un sourire embarrassé. Le plus grand gardien de but de l'histoire de la Roumanie, brisé à vie, retourna dans l'ombre, dans cette prison sans barreaux, celle de la solitude et de l'anonymat.


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commentaires

Y
C'est le "Yannou" de la grande époque sur la vidéo...lol. ?
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K
tu as vu yannou ca marche !!! il est fort keiken !!!
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